2022 / 2 : LA POÉSIE ATTIRE LA POÉSIE
- janvier 13, 2022
- by
- Mathilde Vermer
La boule solaire finalement se laisse avaler par la mer et sur la plage, la température chute immédiatement. Le groupe se décide à partir – c’est l’hiver, il est temps de rentrer au chaud. La bande se répartit dans les voitures, et moi je trouve une place avec le musicien.
Je l’ai entendu quelques fois jouer des percussions, avec des mains rapides et un regard rêveur, qui semble tenir le monde à distance. Un soir au diner, dans le brouhaha des voix mêlées, on a discuté un moment : il m’intrigue.
Assise à côté de lui, dans la proximité de l’habitacle, encore envahie par les images du coucher de soleil, c’est lui qui démarre la conversation :
– Toi qui aimes l’Inde, tu connais Tagore ?
Un instant, je suis tentée de faire la maligne, expliquer qu’on ne peut ignorer un tel artiste, enchainer en parlant de la tradition bengalie du cinéma et de la littérature. Mais je freine mon mouvement d’orgueil, je sens qu’il y a autre chose derrière sa question. Je réponds honnêtement :
– Je ne l’ai jamais lu.
Il acquiesce et me dit qu’il adore sa poésie, qu’il connaît par cœur certains de ses poèmes.
– Tu veux les entendre ?
Je souris : qui peut dire non à une dose de poésie ? Et le voilà, dans la nuit noire qui soudain entoure le véhicule, concentré sur la mauvaise route, qui récite les poèmes.
Les textes parlent d’amour – ils sont tremblants d’une émotion que la traduction n’a en rien perdue. Et moi, je suis cueillie par cette émotion, je me sens comme une lycéenne prête à rougir, je ne sais quel message je dois saisir derrière ces mots surgis par surprise. Alors pour cacher mon trouble, je lui parle de mon podcast poétique – pensant qu’il savait que… Mais non, il ne savait pas. Ah bon ? Vraiment, spontanément, comme ça ?
Pour dépasser mon trouble, je lui demande s’il connaît Neruda.
– Je ne l’ai jamais lu, dit-il en reprenant ma réplique.
– Parfait, à mon tour de te faire découvrir de la poésie.
Et me voilà qui récupère des notes sur mon téléphone, comme d’un grimoire lumineux, et je lui lis plusieurs fragments, comme une réponse à Tagore, comme une réaction à son élan, comme une manière délicieusement désuète de jouer avec le trouble. Après Neruda, je poursuis avec les mots doux d’Andrée Chedid, Roberto Juarroz, Colette Seghers – et c’est magique. L’air et le silence se chargent d’une merveilleuse tension électrique, de celle qui signifie que l’instant est spécial. À regret, nous arrivons à destination, provoquant la fin du jeu.
Il ne s’est rien passé de plus, aucune autre parole n’a été échangée – mais la scène reste gravée en moi. J’y repense avec un sourire : amusant comme la poésie peut devenir une invitée charnelle, amusant de constater que la fréquentation de la poésie fait émerger des instants poétiques. Il n’y a rien d’autre à vouloir, il y a juste à apprécier la parenthèse suspendue, savourer, se réjouir, se préparer, confiante, tranquille, à la prochaine situation poétique – et d’avance s’en régaler.
Et vous, ouvrez-vous la porte pour que la poésie se faufile dans votre vie ?
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