2024 / 2 : À FEU DOUX
- janvier 18, 2024
- by
- Mathilde Vermer
Pendant longtemps, j’ai cuisiné en écoutant la radio. Sur le plan de travail, à côté des légumes, des herbes, des épices, trainait la liste des courses, que je remplissais au fur et à mesure, œufs, fromage, pâtes, sucre, café, mouillant au passage le papier.
Pendant longtemps, alors que je cuisinais, je pensais aux dossiers en cours, aux personnes à rappeler, à la lessive à lancer, au programme du week-end à finaliser. Cerveau en surchauffe, jonglant en permanence entre les tâches à accomplir. Toujours le temps qui manque, toujours composer avec l’urgence et la pression. Comme vous sûrement, parce que c’est comme ça qu’on apprend à fonctionner, robots performants qui gèrent simultanément plusieurs missions.
Pendant longtemps, j’ai laissé bruler le riz, déborder la soupe, noircir le gâteau dans le four. Éparpillement, stress, culpabilité. Vous connaissez cet affolement quand la casserole en ébullition a répandu son contenu sur la plaque ? Maudire le minuteur qui n’a pas sonné. Pauvre minuteur, bouc émissaire de pacotille…
Récemment, j’ai entendu l’expression « productivité toxique » et j’ai tressailli. Dans ces mots, j’ai reconnu notre époque et ses travers. Cette course perpétuelle pour répondre aux sollicitations professionnelles, administratives, domestiques, sociales. Presser le citron, ne surtout pas perdre une goutte de son jus. Jeu absurde et méchant dans lequel on se piège nous-mêmes, hamsters perdus dans nos roues.
Mais comment désobéir ? Comment sortir de la cage verrouillée ?
La poésie offre des pistes. Ne plus s’intéresser à la frénésie. Dire non à ce qui nous disperse inutilement. Ralentir. Non parce que la lenteur a des vertus morales. Juste parce que c’est agréable d’habiter l’instant. Sentir les odeurs. Plonger la cuillère dans la sauce. Se régaler. Plaisir immense et minuscule d’une cuillère volée. La poésie n’est pas séparée de la vie, elle se loge dans le moindre endroit où l’on aperçoit une trace de beauté, où l’on ressent une seconde de paix.
La poésie est une oasis. Elle ne demande aucun effort, rien à produire, rien à prouver. Juste lui faire un peu de place dans nos yeux, nos oreilles, nos cœurs. Donner à l’émerveillement le droit de mijoter dans notre monde intérieur. Se détendre, s’autoriser à flâner, permettre au regard de vagabonder. Que c’est bon d’avoir des espaces où accueillir les sensations. Que c’est bon de rester vivant.
> Cette chronique fait partie de la série 2024 « Transformation ». Une série sur le changement, vécu non comme un fardeau, une épreuve subie, mais comme un appel intime, comme une voie vers une vie pleine. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.
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