C’est l’histoire d’une intuition tenace, celle d’un amoureux de la Méditerranée qui, dans les années 80, plonge régulièrement du côté de Cassis.

Un jour, alors qu’il longe les calanques, il remarque une ouverture dans la roche. Il devine un passage…. Vers une grotte sous-marine peut-être ? L’endroit pique sa curiosité, il multiplie les expéditions, poursuit les repérages, progresse minutieusement le long d’un corridor étroit.

Après plusieurs essais dangereux, il réussit à remonter le corridor jusqu’à atteindre une vaste caverne où stalagmites et stalactites l’émerveillent. Cette découverte récompense ses efforts risqués. Fasciné par le spectacle minéral, il décide de revenir avec des amis plongeurs.

Jusqu’à cette fois où la torche, posée dans un coin, révèle une surprise : une main dessinée sur la paroi. Estomaqués par la surprise, les plongeurs se mettent à balayer les murs avec leurs faisceaux de lumière. Apparaissent soudain des symboles de chevaux, de bouquetins et même de pingouins. On peut imaginer le choc du groupe : des empreintes ancestrales, cachées pendant des millénaires, dévoilent un lieu sacré, et racontent une Provence inconnue, avec une faune et une flore qui témoignent d’une ère glaciaire immémoriale.

Des expéditions scientifiques suivront pour apprivoiser ce magnifique trésor, cet art rupestre vieux de 30 000 ans. Les humains de cette époque vertigineusement reculée représentaient les animaux qu’ils côtoyaient, laissant les traces de leur culture dans les entrailles de la terre.

C’est la seconde fois que je visite à Marseille le musée qui est consacré à la grotte Cosquer, baptisée ainsi en hommage au plongeur entêté et instinctif. Pour la seconde fois, je ressens tendresse et déférence en admirant les parois reconstituées. Émouvant de sentir que nos vies s’inscrivent dans celles des milliers de générations précédentes, éblouissant de frôler des existences qu’on appréhende difficilement, qui font écho d’un dialogue oublié avec la nature, quand le monde était à la fois hostile, sublime et mystérieux.

Pour la seconde fois, j’en ressors en me demandant : cette planète foisonnante, ébouriffante, qui s’est radicalement transformée à plusieurs reprises, savons-nous l’aimer avec la poésie qu’elle mérite ?

> Cette chronique fait partie de la série 2024 « Transformation ». Une série sur le changement, vécu non comme un fardeau, une épreuve subie, mais comme un appel intime, comme une voie vers une vie pleine. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.