Quand Ariane a placé sa fille de 4 mois dans mes bras, j’ai senti une accélération de mon cœur, une chaleur dans ma poitrine, une montée de larmes. Il y a quelque chose de très particulier, intense et beau, dans la rencontre avec un bébé. Parce que la page est blanche, prête à se remplir d’émotions et d’aventures. Parce que la connexion est sans filtre. Yeux dans les yeux. Âmes face à face. Se brancher à un endroit où les mots sont forcément insuffisants.

J’ai gardé un long moment la petite Élise contre moi, consciente de serrer un trésor, heureuse de la bercer jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Tranquillité de l’amour qui circule. De cette soirée, je suis repartie avec un pas plus souple, parce qu’une dose supplémentaire de tendresse, cela allège de la fatigue et du tracas.

La semaine dernière, de façon inattendue, j’ai vécu à nouveau cette expérience de communion et de douceur. Sauf que dans mes bras, je ne tenais pas un être humain. Je vous raconte.

La semaine dernière, j’ai traversé la France, passant de train en train, pour me retrouver sur la façade atlantique. J’avais prévu de rendre visite à mes amies Coralie et Marie. Quelques jours de repos dans cette région des Landes que j’aime pour ce mélange d’océan et de pins.

Je suis arrivée à bout de souffle, avec un cerveau en ébullition. Trop de projets en parallèle, trop d’idées dans ma caboche, un bruit qui même la nuit me poursuit.

Pour m’apaiser, Marie m’emmène en balade. Immédiatement, alors qu’on rentre dans la forêt, je retrouve un sentiment désagréable, le sentiment d’exil. Citadine depuis toujours, je ne connais pas le nom des arbres, des fleurs, des oiseaux. Cette lacune de vocabulaire rend difficile le lien. Je me sens comme coupée du monde végétal. Pourtant, aidée par la poésie, j’ai soif d’un autre dialogue avec la part sauvage, indomptée, du vivant.

Marie entend mon désir. Elle dit :
– Retire tes chaussures.
J’obéis. Marcher pieds nus sur le sol sablonneux, tapissé par les aiguilles de pins. Passer dans un mode contemplatif, alors que Marie guide le parcours. Regarder les fougères sortir de terre, se dérouler avec grâce et coquetterie. Observer les bourgeons sur les branches. Apprendre à distinguer les ajoncs et les genêts. Effleurer les troncs, palper le chêne liège, découvrir son velouté rugueux. Une sensation de quiétude m’envahit.

Le lendemain, Marie décide de m’embarquer plus loin. Comme elle a compris mon amour pour les pins, verticaux et majestueux, elle me réserve une surprise. Dans le village d’à côté, se dresse un arbre répertorié comme remarquable.

Cet arbre, c’est un séquoia, planté seul au milieu d’une placette. Les gens semblent passer devant, sans lui prêter attention. Et pourtant quel choc de le rencontrer ! Six troncs, 40 mètres de hauteur, il en impose. Mon battement de cœur s’accélère, une vague de chaleur m’envahit. Je m’approche de l’arbre, je lui parle, je pose ma main. Soudain, même expérience qu’avec bébé Élise. Impression que nos Âmes sont face à face. Bain d’amour.

Il a été difficile de repartir. Je ne voulais pas lui dire au revoir. Comme si ce conifère monumental depuis longtemps m’attendait, comme si je le cherchais depuis toujours.

Souvent, je repense à lui. Il flotte dans mon esprit. J’ai l’impression qu’il a réparé quelque chose, me donnant une conscience plus tangible de mon appartenance à la terre, de mon interdépendance avec tous les mondes vivants.

De retour à Marseille, j’ai l’œil plus poétique – en quête de fleurs, de buissons, d’allées arborées. Je savoure ce printemps, quand nos alliés déploient leur éclat, nous offrant leur abondante verdure.

Et vous, de quel arbre êtes-vous tombé.e en amour ?

> Cette chronique fait partie de la série 2024 « Transformation ». Une série sur le changement, vécu non comme un fardeau, une épreuve subie, mais comme un appel intime, comme une voie vers une vie pleine. Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.