2025 / 6 : RÉSISTER AU DÉSESPOIR
- mars 20, 2025
- by
- Mathilde Vermer
Au-delà des menaces spécifiques qui pèsent sur notre époque, le plus grand des combats reste le combat contre l’assèchement de nos âmes.
Depuis la nuit des temps, l’obscurité et la brutalité manœuvrent pour garder la masse des êtres humains loin de leur potentiel créatif et spirituel. Assommer les gens de travail, les empêcher de forger des liens qui ont de la profondeur et du sens, entraver leur accès à l’éducation, à l’art, à la transcendance : tout pour laisser esprits & corps patauger dans la souffrance, pour restreindre les horizons et les élans, pour encourager les divertissements fades qui détournent de l’aventure extraordinaire d’exister pleinement.
Pour les besoins d’un livre que j’écris, j’ai replongé dans des ouvrages et des documentaires autour du monde concentrationnaire. À travers les mots de Charlotte Delbo (dont la photo illustre cette chronique – son sourire si solaire irradie), Robert Antelme, Jorge Semprun, Primo Levi, Germaine Tillion, Simone Veil, à travers les récits des survivants, j’ai cherché à comprendre ce qui leur a permis de tenir face à l’expérience prolongée, insoutenable, de la déshumanisation, la cruauté, la maladie, la faim, le froid, la noirceur désespérante des heures.
Plusieurs traits m’ont frappée et je sens qu’il est essentiel de les rapporter. D’abord, pour beaucoup, un moteur fondamental a été de s’accrocher à un idéal. Une certaine vision de l’avenir, des convictions tenaces, une perspective positive quant à la nature humaine : voilà qui aide à rester debout, même dans la pire adversité.
Ensuite, il y a le pouvoir indéniable de l’amour et de l’amitié. Quand on a promis à des aimés de se revoir, quand on noue des relations de respect et de soutien mutuel, quand on sait donner et recevoir parce qu’on connaît la valeur de la solidarité : on est davantage capable de résister à la férocité des monstres et des ignares.
Enfin, certains rescapés évoquent des expériences inattendues à Ravensbrück, Buchenwald, Mauthausen : des représentations théâtrales organisées en secret, parfois des récitations de poésie, du chant, une conférence improvisée par un professeur, un médecin, une personne passionnée par un sujet… Des moments volés, des instants suspendus, pour nourrir sa conscience avec du beau, du savoir, de l’émotion – tout ce qui rappelle la singularité de posséder une essence lumineuse, tout ce qui permet d’y puiser de l’énergie et du courage.
Alors que les volontés d’asservissement des âmes sont à nouveau multiples et voraces, alors que les sirènes du désespoir deviennent assourdissantes, il est bon de se souvenir que nous avons, entre nos mains, des moyens simples, accessibles, de s’opposer à la peur et à l’écrasement. A la place, nous pouvons choisir de cultiver notre sensibilité, notre générosité, notre verticalité. La dignité de l’être humain réside dans son cœur, et rien, ni personne, ne peut la détruire.
> Cette chronique fait partie de la série 2025, nommée « Accalmie ». Une série pour explorer les voies vers la paix, pour oser l’apaisement, la réconciliation, la détente, l’embellie, la main tendue… Vous aimez ce que je publie ? RDV sur les réseaux sociaux pour retrouver de la poésie, et les autres chroniques que j’écris depuis 2016.
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