Chronique vers la publication n°2 – AU COMMENCEMENT
- janvier 31, 2019
- by
- Mathilde Vermer
Comment ça démarre un projet d’écriture ? C’est assez bizarre, en fait. Une urgence qui s’impose, qui fait valdinguer le reste. Comme si la personne qui écrit se retrouvait au centre d’une conspiration invisible. Il y a des sensations, des rêves, des coïncidences. Un livre offert. Un lieu mentionné par plusieurs personnes à quelques jours d’intervalle. Un prénom qui revient. Il y a quelqu’un qui pose une question et ce trouble qui jaillit. Une série de détails qui pointent vers un chemin à emprunter.
J’ai la conviction que l’auteur.e ne choisit pas l’histoire qui demande à être écrite. L’auteur.e répond à une commande qui surgit, une commande qui émane d’une force qu’il est difficile de définir. Peut-être que l’auteur.e capte une histoire qui appartient à l’inconscient collectif, une histoire qui a besoin d’être posée pour libérer les vivants. Les histoires ont toujours une dimension initiatique, elles s’inscrivent dans une nécessité plus élevée, celle d’un souffle qui se transmet de génération en génération.
Une fois que l’auteur.e a saisi qu’on lui passait commande, une fois qu’il ou elle a endossé la mission, rien n’est simple pour autant. Écrire, c’est accepter de se lancer dans un jeu de piste. Il va falloir récolter les indices. Découvrir une à une les scènes qui appartiennent à une trame plus large. Trouver la ligne narrative, trouver le sens de cette histoire qui se dévoile. Le sens, mot à entendre à la fois comme direction et comme signification.
C’est très troublant d’accoucher d’une histoire. Il y a du symbolique et du mystère. Au passage, celui ou celle qui tient la plume est secoué. Convictions secouées. Vision du monde secouée. Émotions secouées. Pour écrire, il va falloir affronter les épreuves que traverse le personnage central. Traverser le feu, traverser l’inconnu, traverser les cicatrices. Gravir des montagnes, escalader la roche. Grandir. Si le personnage réussit, alors l’histoire se finit bien, et l’auteur.e lui aussi devient plus vaste. Si le personnage échoue, l’histoire se transforme en tragédie. La leçon se fait douleur, laissant en bouche un goût amer, des regrets, une vague de tristesse.
L’histoire que j’écris depuis 4 ans – vertige du temps qui passe – je l’ai écrite par à-coups. Un morceau puis des mois de silence puis un autre morceau. Souvent, le blocage était lié à une peur, à l’intérieur. Peur d’aller au bout de ce que je sentais. Peur de suivre mes personnages dans leurs ambivalences. Peur de ne pas être capable de saisir pleinement la nuance d’un sentiment, l’authenticité d’une scène. Écrire demande de la patience, de l’humilité, du courage, de la bienveillance et de la fraternité. Écrire, c’est rencontrer l’autre, sur le papier, en soi, et l’accepter dans sa part de laideur, dans sa part de beauté – dans son humanité. Écrire, c’est le défi le plus difficile et le plus beau qu’il m’est donné de vivre.
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