Chronique vers la publication n°3 – EN GERME
- février 21, 2019
- by
- Mathilde Vermer
Un minuscule carnet. De couleur verte, un vert acidulé. Avec de minuscules pages. Comme les gamines les adorent. Je ne sais plus qui me l’a donné. Mais je sais que le carnet me plaît. Dedans, j’écris ma première histoire. J’ai 7 ans. Depuis toujours, j’aime les livres, ça me semble normal, maintenant que je sais écrire, d’inventer à mon tour une histoire. Il est question d’une pomme, d’un arbre, et de quelques péripéties. Une histoire d’enfant, mal écrite, mal ficelée, mais peu importe. Je la lis à ma sœur, à ma mère, à mes grand-mères.
Peu après, je me lance dans l’écriture d’une pièce de théâtre. Cette fois, c’est dans un cahier bleu, tout mou, avec des lignes, que je pose des dialogues. Le personnage principal a des chaussures argentées, elle se dispute avec sa sœur. L’inspiration est dans les choses de tous les jours.
Puis, à l’école, je découvre la mythologie. Les Grecs, les Romains, le panthéon de l’Olympe, les héros, les défis. Dans la foulée, j’embauche mes cousins. Ce week-end, on fera un spectacle pour les parents. On leur racontera les jumeaux Romulus et Remus, la louve qui les recueille et les nourrit. Je distribue les rôles, je les fais répéter, j’imagine une mise en scène – avec des accessoires pour le décor, des foulards qui font des capes et des costumes.
Pendant ces années de l’enfance, l’écriture, le théâtre, c’est dans ma vie, sans que ça pose de questions, c’est naturel, facile, sans jugement, sans objectif et sans peur. Pourquoi alors j’ai arrêté ? Parce que j’ai grandi ? Je ne me souviens pas.
En revanche, je me souviens du jour où je me suis remise à écrire. Je vais fêter mes 23 ans, je travaille pour une ONG, au Moyen-Orient, je suis perdue. Je sens que le travail humanitaire me conduit à l’impasse. Je me sens impuissante, je tourne en rond. Alors je me mets à rédiger fiévreusement un texte – comme un geste d’action. Quatre heures intenses, dont je ressors les joues rouges, ébouriffée, assoiffée. Je me dis que le texte sera pour un blog.
Très vite, je décide que non, un blog, ça ne suffit pas, je vais écrire un roman. Ce sera le début de l’aventure, fascinante et compliquée, mettre au monde le premier livre, fréquenter les premiers ateliers d’écriture, vouloir la plume qui s’aiguise, laborieusement, contacter les premiers éditeurs, accepter les premiers refus, affronter celui qui me dit que je ne serai jamais auteure, parce que ce n’est pas un métier, parce que les livres ne se vendent pas, parce que je ne suis personne. Un éditeur charmant, avenant, encourageant, qui me conseille d’arrêter.
Je ne l’ai pas écouté. Cette fois-ci, le virus a trop contaminé mon être. Cette fois-ci, l’écriture, je l’épouse totalement, avec ses immenses difficultés, techniques, pratiques, financières, mais aussi avec son parfum capiteux et l’adrénaline qu’elle déverse dans mes veines. Je ne suis personne et personne ne m’attend, mais je réponds à l’appel : il y a des histoires en moi qui demandent à sortir, et je n’ai pas d’autre choix que les laisser sortir.
En 2014, alors que j’ai déjà publié, alors que je me bats chaque jour pour que la littérature trouve sa juste place dans mon quotidien, je déménage. Je tombe sur un carton rempli de babioles. Au milieu du fatras, émergent le minuscule carnet vert, le cahier bleu tout mou, et d’autres calepins remplis de mon écriture enfantine. J’ai un choc. J’avais complètement oublié cette passion du passé. Tout remonte d’un coup, en parcourant les phrases manuscrites. C’est bizarre quand même cette partie de soi qui sait avant l’heure, et cette autre qui se mure dans le silence, en attendant de s’exprimer à nouveau. Qui a dit que tout était écrit d’avance ?
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Et vous, avez-vous retrouvé trace, tardivement, d’une graine que vous portiez dès l’enfance ? Laissez un mot en commentaire.
PHOTO : j’ai 9 ans sur cette image, l’époque des premiers mots dans les carnets.