2021 Chronique V25 – VENDREDI SOIR, ET SI…
- décembre 02, 2021
- by
- Mathilde Vermer
Pour débrancher de la semaine écoulée, j’épluche des carottes. J’aime ce temps suspendu, cette ambiance d’hiver qui pousse à se réfugier en cuisine. J’aime ce moment où il n’y a rien à chercher, juste se mettre au diapason de l’activité mécanique des mains.
J’en suis à la phase couteau et fines rondelles quand le téléphone sonne. J’attendais son appel depuis quelques jours. Entre son agenda et le mien, c’est compliqué de se joindre. Vendredi soir, moment de pause pour elle aussi, elle a diné en famille, couché son petit, je l’imagine enveloppée dans une écharpe, sur son balconnet parisien, le temps de se griller une clope.
On se raconte les derniers épisodes – elle dehors dans le froid, moi dans la vapeur d’une casserole où l’eau est en train de bouillir. Le boulot, la santé, la famille. Une conversation qui fait du bien, comme toujours, parce que les jugements et la compétition en sont absents, parce qu’on partage une vision, des valeurs, des aspirations, parce qu’on se connaît très bien et qu’on s’aime beaucoup. Une amitié qui permet de tout se dire, les réjouissances comme les impasses, les peurs, les baisses de régime.
La force de notre amitié découle aussi d’une chose assez rare : elle et moi, on évite de se balancer des conseils. Car les conseils, quand on n’a rien demandé, ça ne sert à rien et ça agace. Les conseils émanent souvent d’un endroit d’inquiétude, d’une envie d’avoir raison. C’est rarement utile de donner un avis depuis sa fenêtre, en étant parasité par des réflexes de survie. Nous, on préfère s’écouter et s’encourager. Après tout, garder le cap de sa propre vie, avoir de l’audace quand il le faut, et de la sagesse la plupart du temps, c’est un sacré défi et ça ne demande qu’à être salué.
Ce soir-là, alors que je fais glisser les carottes dans la marmite, je mentionne un point qui me tracasse. Ma copine écrase son mégot sur le sol, je l’entends qui tapote avec son talon. Elle me pose une question pour mieux comprendre l’enjeu et puis elle souffle un « et si… ». Pas un conseil, juste une suggestion, un facteur X qu’elle introduit dans l’équation, qui change la perspective. Je reste un instant silencieuse.
– Allô ?
– Je suis là, je réfléchis à ce que tu viens de dire.
– Super… En revanche, ma poulette, je suis gelée, je rentre…. On se rappelle ?
Nous raccrochons et je reviens à la préparation de mon potage à la carotte : verser le lait de coco, saupoudrer les épices. Ses paroles flottent dans mon esprit, faisant jaillir une cascade d’idées. Je sens que sa suggestion tombe à pic – même si la prise de risque qu’elle implique m’effraie. Soudain, le bruit du mixer envahit tout l’espace et j’ai l’impression que dans ma tête, c’est le même mouvement de turbine pour obtenir un velouté homogène. Et si j’essayais ce qu’elle me suggérait ? Je plonge une cuillère dans le liquide orange pour goûter, je brûle ma langue. Grimace puis sourire : oui, cette soupe est délicieuse et oui, je vais tenter le coup… Enfin, presque exquise la soupe… Et si je rajoutais un peu de coriandre ?
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