Billet post-attentats : 15 novembre 2015
- novembre 15, 2015
- by
- Mathilde Vermer
Alors quoi ?
On n’ira plus boire un verre sur les bords du canal St-Martin ?
Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que les attaques ont eu lieu sur l’axe République – Nation, l’axe des manifs, l’axe des révoltes. Ce n’est pas le Paris des touristes.
Pas le Paris des beaux quartiers.
Pas le Paris des instances politiques.
Pas le Paris des boutiques branchées.
Pas le Paris des affaires et des banques.
C’est le Paris des intellos, des artistes, des freelances, des militants, des jeunes actifs, le Paris où moi, ma soeur, tous nos amis habitent. C’est le Paris où nous nous retrouvons.
Le Petit Cambodge, j’y étais il y a quelques semaines avec mon groupe de copines féministes. La rue de Charonne, je la parcoure plusieurs fois par semaine avec le bus 76 qui m’emmène à Bastille. Le Bataclan, c’est là où je suis allée danser avec ma meilleure amie un soir d’été, un soir où elle a rencontré l’homme de sa vie. Rue de la Fontaine-au-roi, je me rappelle d’une longue conversation avec mon chéri, une après-midi de soleil, quand il faisait bon être en terrasse.
Hier, on a tous été pris pour cible, nous, la génération de trentenaires bobos, on nous a visés personnellement, dans nos valeurs, nos modes de vie, chez nous, et désormais, nous connaissons tous une personne, un ami d’ami, un collègue, un voisin, qui s’est envolée.
Aujourd’hui, j’ai beaucoup pleuré. J’ai eu très mal aussi.
Ce soir, au-delà de l’abattement, au-delà de l’immense tristesse, je prends mon stylo pour dire :
1/ que je rends hommage à mon amie Marie, avec qui j’étais hier au moment du drame, qui est retournée bosser ce matin, de façon volontaire, à l’hôpital où elle travaille, pour passer sa journée à répondre au téléphone, pour donner des infos aux familles qui cherchent un proche. Sa générosité me touche infiniment.
2/ qu’ici, sur cet espace virtuel qu’est FB, cet espace où d’habitude j’écris le minimum, je proteste. Je proteste contre le choix de mon gouvernement de vendre des armes partout sur la planète et je m’élève publiquement pour que ce commerce cesse. Faut arrêter maintenant. Arrêter de vendre des avions, des chars, des fusils, des gens périssent partout sur terre à cause de ces engins, et nous sommes à notre tour victimes de la guerre. Arrêtons le délire d’alimenter les conflits : nous sommes tous reliés, ce qui arrive quelque part, nous revient irrémédiablement en boomerang.
3/ que je souhaite en tant que Française, en tant qu’Européenne, qu’on revoit nos politiques économiques. Depuis deux décennies, les inégalités grandissent, certains n’ont plus aucun horizon et se tournent vers le pire. Il est temps de faire quelque chose. Ce n’est plus possible que le désespoir créé une telle violence, trouvons des solutions. Tout de suite.
4/ que je refuse de mettre ma vie sociale et culturelle sur pause. Je veux continuer à aller au ciné, au théâtre, dans des expos. Rouvrez tout. L’art, c’est par essence, l’endroit de la transformation. Là où la boue de la douleur devient or, devient sens, devient partage. Là où mon âme encore et toujours se nourrit. N’ayons pas peur de fréquenter ses lieux qui font tout le charme de Paris. Que les portes y soient bien ouvertes, et pour le plus grand nombre. Que l’art soit notre refuge, notre café philo, notre étendard. Nous avons besoin de culture. Comme nous avons besoin de paix, de liberté et de fraternité.
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