Chronique de l’Ailleurs n°18 – UNE ENVELOPPE DE SUCRE
- juin 01, 2017
- by
- Mathilde Vermer
Il fait si beau. J’aurais adoré m’allonger dans l’herbe, fermer les yeux, dormir. J’aurais adoré profiter du soleil pour marcher, dans la ville, dans la montagne, au bord du lac. J’aurais adoré m’installer à une terrasse, regarder le ciel changer, les piétons passer, mon verre se vider. J’aurais adoré oublier le temps qu’indique la montre, mettre entre parenthèses la course des aiguilles, des trains, du métro pressé : buller.
Je n’y arrive pas. Trop de boulot à finir, du stress, une inquiétude sournoise, le sentiment que les choses m’échappent, que je bute encore et toujours sur le même magma d’angoisses stériles. Je sais que ça ne sert à rien de ruminer. Je sais que, détendue, tout se fait si facilement… Couche de culpabilité qui se greffe.
Hier, j’ai cherché le mode d’emploi pour débrancher. Et j’ai trouvé une solution. Je la connaissais cette solution, pourtant. Le chemin vers ce qui fait du bien est parfois tortueux… Mystère de nos âmes. Sagesse de nos sens. De ce qui est tout près.
Entrer dans la cuisine. Rassembler des pommes, ajouter des nectarines, tout laver. Allumer la radio, choisir de la musique douce. Et puis, laisser les mains accomplir les gestes.
Éplucher les fruits.
Les trancher.
Retirer pépins et noyaux.
Couper plus petit.
Sortir une casserole.
Cannelle, sucre, un peu d’eau.
Absolument rien de compliqué.
Absolument rien pour épater la galerie.
De la compote comme pour les enfants. Placer la casserole avec les bouts de fruits sur le feu. Éteindre la musique, plonger dans le silence.
Attendre que l’odeur surgisse. Ne pas bouger de la cuisine : s’enrouler dans le parfum invisible du sucre. Régresser vers l’enfance. Fermer les yeux. Sourire en pensant aux saveurs caramel qui fonderont dans ma bouche. Remercier pour le retour de la simplicité, la légèreté, la gaieté.
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