Chronique de l’Ailleurs n°28 – DANS CET ASHRAM AU BORD DE L’EAU
- août 10, 2017
- by
- Mathilde Vermer
C’est si facile de laisser le dragon en moi prendre le dessus. S’énerver, devenir brutale, impatiente, rigide, se permettre d’être cassante. Après, se mordre les doigts ne sert à rien : le mal est fait.
C’est si facile de laisser le lapin peureux en moi paniquer. La vague de stress déferle, m’emporte. Parfois, l’angoisse est telle que je suis figée. Incapable de mettre un pied devant l’autre. Ça termine en pleurs, frustration, culpabilité. Or le temps perdu à s’inquiéter inutilement, à se noyer dans la peur, ne se rattrape pas.
C’est si facile de laisser la biche en moi sangloter. Les chagrins infinis des douleurs d’enfance. Les blessures du quotidien. Les regrets. Verser des litres de larmes. Dans ces moments, je ne vois pas le soleil qui se lève tous les matins, les mains qui se tendent, les espaces où toujours la joie se faufile. Dans cette bulle de tristesse, je suis isolée.
Mes émotions ont beaucoup de pouvoir sur moi. Elles savent me distraire de l’essentiel, de la force de vie qui m’habite. Il ne s’agit pourtant pas de les ignorer. L’idée serait plutôt de les reconnaître, les observer, les disséquer, pour les canaliser.
Comment faire ça ? Chacun sa recette dans cette exploration du « connais-toi toi-même ». Marcher, chanter, courir, danser, cuisiner, être accompagné par un thérapeute… Il n’y a pas une technique meilleure qu’une autre. D’ailleurs, elles se combinent très bien, j’en ai l’expérience.
De même, j’ai l’expérience de l’importance d’avoir des pratiques spirituelles. Pour ne pas me perdre dans la rumination. Pour rebondir quand j’ai trop mal. Pour éviter de sombrer dans la banalité du mal. Je médite tous les jours. Souvent, c’est ardu. Je m’obstine.
Cet été, pour la cinquième fois, je fréquente un ashram. Un ashram ??? C’est un mot sanskrit qu’on peut traduire par « monastère ». C’est un endroit où les gens viennent pour avancer dans leurs pratiques spirituelles.
Celui où j’ai pris refuge, dans le Kerala, est celui fondé par Amma, grande sage qui nous invite à faire l’expérience de l’amour. Un amour vaste, généreux, fraternel, bienveillant, patient, solidaire.
Concrètement, c’est quoi le quotidien dans un ashram ? Se lever très tôt pour réciter des mantras qui favoriseront la concentration tout au long de la journée, prendre le temps de méditer, de faire du yoga, de lire, chanter des bhajans, passer du temps à ses côtés, assister à ses enseignements.
Il est aussi proposé de contribuer à la bonne marche du lieu : donner un coup de main en cuisine, s’occuper des jardins, participer au recyclage des déchets, etc. Au final, les journées sont bien remplies. Chaque minute doit être l’occasion de pratiquer la vigilance, la gentillesse, la paix. C’est toujours un séjour extrêmement riche, qui permet de recharger les batteries, d’élargir les horizons, de trouver d’autres manières d’être pour faire face à son quotidien.
A l’heure où vous lirez ces lignes (car j’ai écrit en avance et programmé la publication de ce billet), je serai dans une semaine spéciale : une semaine en silence, pour découvrir de nouvelles techniques de méditation, pour mieux comprendre mon fonctionnement et mes pensées, pour faire surgir d’autres ressources. Je ne sais pas ce que je vais saisir pendant ces 8 jours, mais je suis heureuse de vivre ce voyage… Dont je vous ferai part plus amplement la semaine prochaine.
++++++