Chronique de Nos Vies n°18 – CHANGER DE TRAJECTOIRE, FORGER SON HISTOIRE
- mai 17, 2018
- by
- Mathilde Vermer
Des métiers, dans sa ville, Coimbra, au Portugal, elle en a exploré. Depuis ses 18 ans, Brigitte bosse et elle n’a jamais ménagé ses efforts. Elle a été boulangère, vendeuse de fringues, ouvrière, serveuse, elle a eu un temps un emploi dans une agence immobilière, et pour finir, après la trentaine, elle a passé un diplôme pour devenir puéricultrice.
D’ailleurs, c’est peut-être au moment où elle valide sa formation que les choses basculent dans sa vie… En tout cas, c’est le moment où son mari la quitte. Du jour au lendemain, elle est seule pour prendre soin de sa fille, régler les factures, subvenir aux besoins. L’argent devient vite un problème, dans un pays où, en 2012, le smic ne dépasse pas 550 euros mensuels. La situation aurait pu la figer, elle aurait pu se noyer dans ses angoisses, écrasée par le poids des responsabilités… Brigitte n’est pas ce type de femme. Elle est fonceuse, optimiste, déterminée. Elle décide de tout quitter et de partir tenter sa chance à Paris.
Précision importante : Brigitte est née en France, à la fin des années 70. A sa naissance, ses parents, qui avaient fui la misère et la dictature de Salazar, y habitaient depuis plus de 15 ans, son père travaillant en tant que maçon sur des chantiers. Pourquoi son père a voulu rentrer ? Elle n’a jamais vraiment su. Ce qu’elle sait, c’est que la France, par la suite, c’était un manque en elle, une déchirure. Un rêve aussi.
Partir pour Paris. Retrouver cette langue qu’elle aime entendre sonner. Trouver sa place dans le bouillonnement d’une ville énorme. Décrocher un boulot qui assure davantage de revenus pour offrir à sa fille d’autres possibles : voyager, étudier, choisir une profession. Ne pas avoir de regrets, croire en sa bonne étoile. Ne pas laisser passer l’opportunité, comme sa sœur qui ne s’est jamais arrêtée de besogner et qui est morte d’un AVC à 45 ans. Le pire, il peut toujours surgir. Alors, le meilleur, selon Brigitte, il faut se battre pour l’obtenir.
Ses parents l’ont encouragée. Ils ont dit qu’ils s’occuperaient de la petite. Brigitte a préparé sa valise, a embrassé sa fille, puis elle a débarqué en région parisienne. Hébergée chez des membres de la famille, multipliant les petits boulots, garde d’enfants, ménage, aide à domicile auprès de personnes âgées. Deux années de galère, avec sa fille au téléphone qui pleure parce qu’elles se voient très peu. Finalement, elle est embauchée comme gardienne d’immeuble tout en continuant à travailler chez des particuliers. Maintenant, elle a trouvé son équilibre. Elle apprécie la diversité de ses journées, côtoyer des gens très différents, passer d’un appartement à un autre.
Sa fille ? Oui, elle aimerait qu’elle la rejoigne. Mais la petite a grandi. Une ado dorénavant, qui a ses copines, ses habitudes et aucune envie, pour l’instant, d’abandonner son quotidien. Plus tard, peut-être, après le bac ? En attendant, Brigitte met des sous de côté, pour lui payer la fac, pour l’emmener en vacances. Cet été, le projet ? Destination New York !
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