Chronique de Nos Vies n°20 – COMME PAR ENCHANTEMENT
- mai 31, 2018
- by
- Mathilde Vermer
La semaine dernière, je tombe sur une étonnante série podcast France Culture, consacrée aux sorcières. Au-delà de l’image véhiculée par l’imaginaire collectif, l’émission dessine un portrait de celles qui ont été pourchassées et tuées au XVIème siècle. Qui étaient les sorcières ? Des magiciennes ? Des empoisonneuses ? Des prêtresses ? Que se cachait-il derrière les étiquettes qu’on leur collait sur le front ? Une historienne parle de femmes indépendantes, en retrait des communautés paysannes, qui détenaient des connaissances médicinales sur les plantes, qui aidaient les villageoises à accoucher, qui accompagnaient le départ des mourants, qui avaient accès à une compréhension spirituelle des lois du monde. Un autre universitaire les compare aux chamanes d’Amérique latine… J’écoute, intriguée, et sans vraiment savoir pourquoi, troublée.
Quelques jours plus tard, voilà que je discute avec Solange, la cinquantaine virevoltante, lunettes colorées, sourire contagieux. La conversation porte sur un livre qu’elle est en train d’écrire, un manuel pour que les gens puissent créer des cérémonies, à des moments où ils souhaitent marquer le franchissement d’une étape, par exemple, pour un départ en retraite, pour un anniversaire important, pour fêter l’arrivée d’un enfant. L’idée, par le geste symbolique, est de poser des intentions, accompagner des rêves, en nourrissant à la fois l’ancrage et la patience, car chaque transition, comme la graine qui prend le temps de germer et de grandir, exige maturation.
Le livre suscite immédiatement ma curiosité. J’interroge Solange sur son métier. Elle sourit, amusée, me répond qu’elle est célébrante, que la majeure partie de son travail est de célébrer des mariages. Elle explique : à l’heure où les religions occupent une place plus limitée dans la vie des individus, reste une quête inassouvie de sens. Au moment où deux êtres s’unissent, le besoin de solennité est souvent éprouvé. Les demandes se veulent laïques, pour toucher le plus grand nombre, pour construire un rite qui leur ressemble, loin des dogmes. Solange est à l’écoute, elle aime bâtir une célébration sur-mesure, qui va résonner dans les inconscients, qui va réunir autour d’une émotion, qui va trouver son rythme et sa couleur dans le tourbillon festif d’une noce.
Ainsi, certains veulent échanger des anneaux, d’autres veulent mélanger du sable, d’autres encore apportent l’eau de leur rivière qu’ils verseront dans un grand vase. Parfois, le geste est plus spectaculaire : envol de ballons, marche sur des pétales de rose, multitude de bougies allumées. Chaque couple choisit un geste symbolique : Solange raconte de quelle tradition vient le geste, ce qu’il signifie, comment il peut être effectué au cours de la cérémonie. Par son savoir anthropologique, elle guide les futurs mariés pour qu’ils imaginent ensemble une célébration qui leur ressemble, avec une dose de profondeur, une dose de beauté, une dose de poésie.
Comment elle en est venue à exercer le métier de célébrante ? Par un heureux hasard, en fait. Au début, il y a cet intérêt pour les rituels de passage de saisons, inscrits dans une connexion aux cycles de la nature, tels que pratiqués dans les traditions amérindiennes. Ensuite, il y a une requête spontanée d’une personne de son entourage, qui lui demande de célébrer son mariage, puis une autre, et une autre. Solange adore ces expériences. Dans la foulée, elle ressent la nécessité de mieux connaître les fondements des symboles et d’étudier les phénomènes cérémoniels. Elle va donc se former, longuement, à distance, grâce à un institut spécialisé, situé aux États-Unis. Avec passion, elle se penche sur l’étude des mariages, des funérailles, des autres rites qui scandent la vie des humains et des sociétés. Au cours de cette aventure, elle développe de grandes affinités avec les traditions celtes, hindoues, et bouddhistes. Une question jaillit : et la tradition des sorcières, elle connaît ? Solange éclate de rire, puis, avec espièglerie, me retourne la question : ah bon, ça existe les sorcières ?
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Et vous, vous répondez quoi à cette question ? Laissez un mot en commentaire.
PHOTO de Florence Grandidier, via celebrerlavie