Auteure | Conférencière | Coach

Chronique vers la publication n°5 – SE PASSIONNER POUR LE VOYAGE DU HÉROS

En 1928, à Saint-Pétersbourg, un universitaire spécialisé en linguistique, Vladimir Propp, rassemble un grand nombre de contes populaires russes. A cette occasion, il découvre que tous les contes suivent une structure narrative similaire.

En effet, il est toujours question d’un personnage central qui fait face à un manque, ou un problème, et qui doit se mettre en route, quitter ses habitudes, pour résoudre le problème, ou trouver ce qui lui permettra de remplir ce manque. Sur sa route, le héros / l’héroïne devra affronter des épreuves, en bénéficiant de l’appui de certains alliés, en défiant certains adversaires.

A peu près à la même époque, dans les années 1930 et 1940, aux États-Unis, Joseph Campbell, un autre universitaire, passionné par la littérature, l’anthropologie, et l’étude des religions, mène un travail analogue. Il étudie des centaines de textes mythologiques venus de Grèce, d’Inde, de Russie, du Japon, des traditions amérindiennes. Il se penche également sur les travaux de Jung sur l’inconscient collectif. A partir d’un matériau riche et complexe, il établit que les mythes suivent les mêmes schémas archétypaux.

Ainsi, un personnage, réel ou imaginaire, va débuter son périple parce qu’il ressent un appel, appel qui implique de quitter l’environnement dans lequel il a grandi. Il devra ensuite faire face à un premier obstacle – qui nécessitera l’aide d’un mentor pour le franchir. Après cette étape, le héros / l’héroïne découvre un autre monde, plus spirituel — généralement représenté par une forêt sombre, un désert, une grotte ou bien encore une île mystérieuse. Il /elle va y subir une série d’épreuves lui permettant de dépasser son mentor et d’accomplir enfin l’objet de sa quête, le plus souvent une réconciliation avec le père, une union sacrée ou une apothéose, représentant symboliquement l’émancipation. Il/ elle retournera ensuite chez lui complètement transfiguré.e par l’expérience de son voyage initiatique.

Dans les années 1950, ce travail est transmis à un producteur de cinéma, nommé Christopher Vogler. Hollywood est alors une industrie qui se développe, elle doit s’assurer de sa pérennité. Il lui faut des scénarios solides qui emportent les spectateurs, qui suscitent de l’émotion, de l’identification, du plaisir. Vogler établit un guide pour les scénaristes, en reprenant les étapes du voyage décrit par Campbell. Des films comme Star Wars et Matrix seront très inspirés par ce guide.

Au-delà de la reprise par Hollywood, quand on s’intéresse, comme moi, à l’art de raconter une histoire, ce qui vraiment intéressant dans ces structures narratives, c’est cette dimension initiatique du récit. Pour le personnage central, les épreuves sont destinées à se connaître, se rencontrer dans son essence, aller au-delà des apparences, entamer un dialogue avec l’invisible. Au fond, les contes, les livres, les films explorent des questions centrales et simples à la fois : quel être humain je suis ? quel être humain je veux être ? Les récits nous disent qu’il faut du courage pour accomplir ses rêves, pour déployer son potentiel, pour mener une vie pleine de sens, du courage pour aimer, pour sortir de ses certitudes et pour gagner en sagesse.

Faut-il conclure que, pour raconter une histoire, il faut respecter à la lettre les étapes, comme on suivrait une recette de cuisine ? Non, évidemment. Écrire, comme tout acte de création artistique, demande de s’extraire de ce qui existe déjà. Ne pas calquer une structure, ne pas copier un modèle – mais s’en inspirer. Car avant tout, pour qu’une histoire ait de l’impact, pour qu’elle circule, il faut y mettre de soi, de ses expériences, de son regard, de sa vulnérabilité, de ses convictions, explorer ce qu’on a de profondément singulier à dire au monde.

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Au fait, vous qui lisez cet article, quelle est la dernière histoire émouvante que vous gardez en tête ? Laissez un mot en commentaire.

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