NOUS RÉINVENTER – PISTE 11 : DÉCOUVRIR LES KOGIS
- avril 27, 2016
- by
- Mathilde Vermer
Artistes, étudiants, citoyens : ce printemps, chacun s’engage dans le dialogue. Me revient en tête, ces jours-ci, le modèle de la société Kogi. Avez-vous déjà entendu parler des indiens Kogis ?
Préserver l’équilibre du monde est au cœur de leur philosophie. Repliés dans les hautes montagnes de Colombie, ces Indiens, cousins des Mayas, veillent au respect des lois de la nature pour le bien-être de la communauté et de l’univers tout entier. Ils revendiquent une vision du progrès où la relation à l’autre et à soi-même est ce qui compte avant tout.
Peuple précolombien, ayant difficilement résisté à des siècles d’agressions extérieures, ses 12 000 membres survivants se consacrent à la culture de la terre, dans un pays qui a été le théâtre d’affrontements entre paramilitaires et narcotrafiquants. Depuis toujours, ils essaient d’avoir le moins de contact possible avec le monde moderne pour protéger leur culture, leur mémoire et continuer à accomplir leur mission en tant que gardiens des équilibres.
Les kogis sont surprenants. Ils partagent un ensemble de références fortes qui valorisent la responsabilité et l’autonomie mais aussi le travail collectif. En pratique, cette société exemplaire ne connaît pas la délinquance, ignore la prostitution, le capitalisme, la technologie. En ce qui concerne la technologie, ils ne sont pas intéressés, tout simplement. La transformation de la matière leur paraît incongrue, ils préfèrent s’occuper de cette terre si belle qui les accueille et qui leur indique comment vivre en accord avec le vivant.
Au quotidien, pour perpétuer l’harmonie, ils suivent avec attention les paroles éclairantes des mamus, à la fois autorités spirituelles, médecins et juges. Ces derniers ont reçu une formation très particulière : pendant 18 ans, ils ont vécu dans le noir, afin de développer autrement leur sensibilité. Profondément respectés, les mamus ne sont pourtant pas considérés comme les chefs. Il n’y a pas de chef. Les décisions sont prises collectivement après des heures, des jours, des nuits de discussion. La parole est essentielle pour ce peuple, il faut discourir longtemps, envisager toutes les possibilités, mettre à jour non-dits et émotions refoulées pour arriver conjointement à la juste décision.
Surtout qu’on ne vienne pas leur imposer nos principes ethnocentrés, nos programmes rigides d’aide au développement. L’accès à l’éducation ? Pas besoin, ils savent éduquer leurs enfants, en leur transmettant un enseignement pointu sur les arbres, les fleurs, les animaux, l’invisible. L’accès à la santé ? Pas besoin non plus, ils savent se soigner grâce aux plantes. La lutte contre la pauvreté ? Ils ne sont pas pauvres, ils subviennent à leurs besoins, partagent tout, délaissant la quête de la richesse au profit d’une quête spirituelle intérieure délivrée de tout conservatisme religieux.
Selon eux, le but de l’existence est de demeurer dans la paix que ce soit dans ses relations aux autres, à soi-même ou à l’univers. Les Kogis ne se conçoivent pas comme séparés de la terre-mère, ils sont un élément qui participe de l’équilibre du monde, tout comme la faune et la flore, l’eau et le ciel. Contrairement aux héritiers de Descartes, ils ne croient pas que l’Homme est supérieur au reste du règne vivant, encore moins « maître et possesseur de la nature ». Les humains sont les garants des équilibres : par rituels et cérémonies, par des actes justes chaque jour renouvelés, ils doivent contribuer à la bonne marche du monde.
Ralentir, revenir à l’essentiel, faire attention au vivant, questionner nos attachements, tels sont les recommandations des Kogis. On dirait que l’époque enfin les entend… Puisse leur sagesse venir infuser dans nos débats actuels et nous aider à trouver des solutions concrètes !
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Pour en savoir plus :
https://www.youtube.com/watch?v=CU8eJMCGWVg
On peut aussi lire l’excellent ouvrage d’Eric Julien « Le chemin des 9 mondes », publié chez Albin Michel. Visitez également le site de l’association Tchendukua qui aide les Kogis à protéger leur culture et leurs terres.